Facebook : à l’épreuve de l’autorité parentale dans le cadre de la séparation de couple

Au début de l’année 2011, la France métropolitaine comptait 32 millions de personnes majeures en couple ; 72 % d’entre elles sont mariées et partagent la même résidence que leur conjoint, 7 millions d’entre elles sont en union libre et 1,4 millions sont pacsées.

Un constat éloquent en 2016, les Français n’attendent plus d’être mariés pour avoir des enfants.

La part des enfants nés hors mariage ne cesse de s’accroître depuis vingt ans : en 2016, près de 60 % des enfants sont nés hors mariage, contre 37 % en 1994.

Dans les faits, l’arrivée d’un enfant au foyer engage le couple sur la durée bien plus le mariage en cas de divorce ou de séparation.

L’indicateur conjoncturel de divortialité énonce une moyenne de 46 divorces pour 100 mariages en 10 ans entre les années 2005 et 2015, sans compter les séparations hors mariage.

Si un couple marié ou en union libre sans enfant n’est plus nécessairement amené à communiquer après leur divorce ou séparation, a contrario il en va différemment en cas de naissance d’un enfant.

En effet, la naissance d’un enfant dans un couple marié ou en union libre engage les parents désireux de se séparer à communiquer dans le cadre de l’autorité parentale.

Le vecteur de cet engagement est motivé par l’intérêt de l’enfant et son éducation, sources de l’exercice de l’autorité parentale.

 

L’intérêt supérieur de l’enfant au cœur de l’autorité parentale

« L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant.

Elle appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne.

Les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité. »

Article 371-1 du Code Civil

 

« Les père et mère exercent en commun l’autorité parentale.

Toutefois, lorsque la filiation est établie à l’égard de l’un d’entre eux plus d’un an après la naissance d’un enfant dont la filiation est déjà établie à l’égard de l’autre, celui-ci reste seul investi de l’exercice de l’autorité parentale. Il en est de même lorsque la filiation est judiciairement déclarée à l’égard du second parent de l’enfant.

L’autorité parentale pourra néanmoins être exercée en commun en cas de déclaration conjointe des père et mère adressée au directeur des services de greffe judiciaires du tribunal de grande instance ou sur décision du juge aux affaires familiales. »

Article 372 du Code Civil

 

« A l’égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l’accord de l’autre, quand il fait seul un acte usuel de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant. »

Article 372-2 du Code Civil

 

L’intérêt de l’enfant est le critère à partir duquel s’apprécie la légitimité de toutes les décisions le concernant.

À ce titre, l’intérêt de l’enfant ne doit pas être confondu avec celui des parents.

Relève des actes usuels :

– les décisions du quotidien : autorisation de sortie, inscription à l’école ou à une activité sportive…

– des actes qui n’engagent pas l’avenir de l’enfant et ne portent pas atteinte à son intégrité physique…

 

Publication photo sur Facebook : acte usuel ou acte non usuel?

Nous pourrions donc nous interroger sur la nature de l’acte posté sur un réseau social (Facebook, Instagram, Twitter…).

La question s’est donc naturellement posée à l’ère de deux phénomènes de société : d’une part l’explosion de la séparation des couples et d’autre part, le succès des réseaux sociaux où d’un clic la visibilité est donnée instantanément sur la toile.

Si l’exposition sur la toile des photographies de ses enfants est devenue une pratique courante et un phénomène social intergénérationnel, pour autant une telle démarche, pour certains parents, trouve ses limites en cas de séparation de ces derniers.

Se faisant, la Cour d’Appel de Paris n’a pas manqué d’en tirer les conséquences dans un arrêt en date du 9 février 2017 en se positionnant sur la nature usuelle de l’acte de publication de photos d’enfants.

CA de Paris Pôle 3, Chambre 4, 9 février 2017, n°15/13956

À l’origine de cet arrêt, une procédure de divorce contentieuse au terme de laquelle la mère demandait l’interdiction au père de publier des photos de leurs deux enfants sans qu’elle n’ait donné son accord préalable à la publication.

La Cour d’Appel de Paris acquiesce à la demande de la mère et prononce l’interdiction de diffuser des photos à chacun des parents dès lors qu’ils n’auront pas obtenu l’accord préalable de l’autre parent.

Cet arrêt  illustre l’articulation du droit à l’image de l’enfant et l’autorité parentale dans un monde où l’ère du numérique prend de plus en plus de place. Fondé en 2004, Facebook ne représentait pas moins d’1,2 Milliards de connecté au terme de sa première décennie.

Les réseaux sociaux prennent de plus en plus de place dans notre société, c’est un constat.

Bien souvent pris au cœur d’un conflit de loyauté, l’image de l’enfant affiche une toile de fond  illustrée de provocation  morale.

La décision de la Cour d’Appel de Paris s’inscrit donc dans une démarche de protection des intérêts légitimes des enfants à l’ère du numérique.

Se faisant, la Cour d’Appel de Paris marque les esprits par cet arrêt qui mérite d’être salué pour avoir tranché une question sociétale qui ne manque pas d’être décriée.

 


Article de Laëtitia BARDIN-ROUSSEL

Avocat au Barreau de Clermont-Ferrand et à la Cour d’Appel de Riom

Publication : 21/07/2018 – site internet : www.bardin-roussel.avocat.fr

Article consultable en version PDF : Publication LBR005 – Facebook à l’épreuve de l’autorité parentale