Le Compte Personnel de Formation (CPF) : une rémanence du Droit Individuel à la Formation (DIF)

Le CPF est la mesure-phare de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle à l’emploi et à la démocratie sociale.

Lors de son lancement, le Ministre du Travail, François Rebsamen, saluait une « phase de fort décollage » malgré les avis modérés sur le terrain.

 

Le point sur le CPF deux ans après son instauration

L’instauration du Compte Personnel de Formation a signé la fin du Droit Individuel à la Formation (DIF). Depuis le 5 janvier 2015, chaque salarié du secteur privé ou demandeur d’emploi dispose d’un Compte Personnel de Formation qui le suivra tout au long de sa carrière même en période de chômage.

Le CPF permet aux actifs du secteur privé d’engranger en principe jusqu’à 150 heures de formation qu’ils peuvent mobiliser tout au long de leur vie professionnelle, même pendant leurs périodes de chômage.

 

Deux années après sa création, le CPF reste un dispositif inconnu pour beaucoup

Clef de voûte de la loi de 2014 sur la formation professionnelle, le CPF a été conçu pour permettre aux salariés ou aux demandeurs d’emploi à devenir acteur de leur parcours professionnel.

En quelques chiffres, il suffit de constater que plus de 4,7 millions de personnes ont ouvert leur compte personnel de formation depuis janvier 2015.

L’information autrefois à la charge de l’employeur au temps du DIF, semble donc avoir été relayée et surtout portée ses fruits.

Début juillet 2017, 1 014 259 formations ont été financées grâce au CPF, contribuant ainsi au maintien de l’employabilité et à la sécurisation des parcours professionnels. La durée moyenne des formations est de 346 heures.

 

Les formations éligibles ne manquent pas puisqu’on recense :

  • Les formations permettant l’acquisition du socle de connaissances et de compétences
  • L’accompagnement à la validation des acquis de l’expérience (VAE)
  • Le bilan de compétences
  • Une formation à la création et à la reprise d’entreprise
  • Les formations issues des listes déterminées par les partenaires sociaux au niveau interprofessionnel ou branches professionnelles, au niveau de la région dans laquelle le salarié exerce son activité ou au niveau de la région dans laquelle le demandeur d’emploi est domicilié.

D’autres formations répertoriées sur une liste définie par les partenaires sociaux sont également éligibles.

Depuis le 15 mars 2017, il est notamment possible d’utiliser le CPF pour financer son permis B (préparations à l’épreuve théorique du code de la route et à l’épreuve pratique du permis de conduire). Deux conditions cumulatives sont nécessaires pour en bénéficier, il faut que :

  • L’obtention du permis contribue à la réalisation d’un projet professionnel ou à favoriser la sécurisation du parcours professionnel du titulaire du compte.
  • Et que le titulaire du compte ne fasse pas l’objet d’une suspension de son permis ou d’une interdiction de solliciter un permis (cette obligation est vérifiée par une attestation sur l’honneur de l’intéressé).

Pour être prise en charge, la préparation au permis B doit être assurée par un établissement agréé et déclaré en tant qu’organisme de formation.

 

Connaître les démarches du CPF

Pour s’inscrire ou avoir accès aux informations personnalisées (heures, formations éligibles) rien de plus simple, il suffit au bénéficiaire désireux d’orienter sa formation professionnelle à se rendre sur le portail http://www.moncompteformation.gouv.fr pour ensuite être redirigé vers « votre espace personnel sécurisé » muni du numéro de sécurité sociale.

Le CPF est ouvert au bénéficiaire dès l’âge de 15 ans en situation de contrat d’apprentissage s’il justifie avoir accompli la scolarité du premier cycle de l’enseignement secondaire (L 6222-1 § 2 du Code du travail).

L’article L6323-2 du Code du travail dispose que :

« Le compte personnel de formation est comptabilisé en heures et mobilisé par la personne, qu’elle soit salariée ou à la recherche d’un emploi, afin de suivre, à son initiative, une formation. Le compte ne peut être mobilisé qu’avec l’accord exprès de son titulaire. Le refus du titulaire du compte de le mobiliser ne constitue pas une faute. »

 

Dès lors les salariés comme les personnes à la recherche d’un emploi sont acteurs de leur formation professionnelle tout au long de leur carrière professionnelle. Reste à assimiler les règles relatives à l’articulation entre l’alimentation et l’utilisation du CPF afin d’en tirer le meilleur parti.

Les heures acquises au titre du DIF jusqu’au 31 décembre 2014 ne sont pas perdues.

Lorsqu’un salarié utilise son CPF, ses heures de DIF acquises et non utilisées doivent être mobilisées en priorité. Elles sont mobilisables jusqu’au 31 décembre 2020.

1- Les salariés du secteur privé

Ils doivent  se référer à leur bulletin de salaire des mois de décembre 2014 ou de janvier 2015 afin de connaître le récapitulatif des heures acquises au titre du DIF.

Le bulletin de salaire est égaré, il est utile de rappeler que l’employeur dispose d’un double du bulletin de salaire.

 

Il appartient ensuite au salarié d’inscrire lui-même le solde de son DIF sur son CPF. Il peut se faire aider d’un conseiller en évolution professionnelle.

Le CPF est alimenté automatiquement à la fin de chaque année proportionnellement au temps de travail réalisé au cours de l’année par le salarié dans la limite d’un plafond. Les heures restent acquises même en cas de changement d’employeur ou de perte d’emploi (L 6323-3 du Code du travail).

♦ A temps plein, le salarié acquiert automatiquement sur son compte CPF :

  • 24 heures par année de travail jusqu’à l’acquisition d’un crédit de 120 heures,
  • puis 12 heures par année de travail, dans la limite d’un plafond total de 150 heures. Ainsi, lorsqu’il atteint 150 heures, le compte n’est plus alimenté.

En pratique, un salarié à temps plein obtiendra 120 heures en 5 ans, puis les 30 heures restantes en 2 ans et demi. Des abondements sont toutefois possibles au-delà de ce plafond.

Le compte peut être abondé dans 3 cas :

  • si un accord le prévoit (accord d’État, de branche ou d’entreprise),
  • si, dans les entreprises d’au minimum 50 salariés, l’employeur n’a pas réalisé l’entretien professionnel prévu tous les 2 ans et que le salarié n’a pas obtenu au moins 2 éléments parmi les 3 suivants : une certification, une formation ou une progression salariale ou professionnelle au moins tous les 6 ans. Dans ce cas, le compte est abondé de 100 heures de formations complémentaires pour un salarié à temps plein, et 130 heures pour un salarié à temps partiel,
  • si les heures sont insuffisantes pour suivre une formation. Pour obtenir des informations sur la manière dont peut être complété le compte, il est recommandé au salarié de solliciter l’aide gratuite d’un conseiller en évolution professionnelle (CEP) ou de s’adresser à son employeur ou à sa direction des ressources humaines.

♦ A temps partiel, l’alimentation du compte est calculée proportionnellement au temps de travail effectué, sous réserve de dispositions plus favorables prévues par un accord collectif d’entreprise ou de branche.

Le congé de maternité, le congé paternité et d’accueil de l’enfant, le congé d’adoption, le congé parental d’éducation, le congé de présence parentale, le congé de proche aidant, les absences pour maladie professionnelle ou accident du travail sont pris en compte pour alimenter le compte.

Pour pouvoir suivre une formation plus longue, le salarié a la possibilité de mobiliser les heures de son CPF et de les associer :

  • à la période de professionnalisation,
  • au congé individuel de formation (CIF),
  • à une formation prévue par le plan de formation de l’entreprise

Pour en bénéficier, le salarié souhaitant bénéficier du CPF aura l’obligation de respecter un délai de prévenance auprès de son employeur de 60 jours avant le début de la formation pour une formation inférieure à 6 mois et de 120 jours avant le début de la formation pour une formation supérieure à 6 mois.

L’employeur est tenu de répondre à la demande dans un délai de 30 jours calendaires à compter de la notification du délai de prévenance ; à défaut de réponse, le silence de l’employeur vaut acceptation.

En revanche, lorsque la formation demandée est suivie en dehors du temps de travail, le salarié n’a pas à demander l’accord de son employeur et peut mobiliser ses heures de formation librement. Dans ce cas, il peut faire valider sa demande de formation par un conseiller en évolution professionnelle (CEP).

Les heures consacrées à la formation pendant le temps de travail constituent un temps de travail effectif et donnent lieu au maintien par l’employeur de la rémunération du salarié.

En revanche, lorsque le salarié se forme sur son temps libre, ce temps de formation ne donne pas droit à rémunération.

Quid de la prise en charge des frais de formation ?

Les frais pédagogiques (c’est-à-dire les frais de formation) et les frais annexes (frais de transport, repas, hébergement) peuvent être pris en charge par :

  • l’OPCA collectant la contribution reversée par l’entreprise,
  • ou l’OPACIF si le CPF vient compléter un CIF,
  • ou directement par l’entreprise elle-même si celle-ci consacre au moins 0,2 % de sa masse salariale au financement du CPF de ses salariés.

Pour connaître l’OPCA ou l’OPACIF concerné, le salarié doit s’adresser à son employeur ou à sa direction des ressources humaines

2- Les personnes en recherche d’emploi

Elles peuvent, pour connaître le nombre d’heures acquises, se reporter soit au certificat de travail remis par les employeurs passés lors de la rupture du contrat de travail, soit à une attestation DIF si elle leur a été délivrée.

Le CPF ne comptabilise plus d’heures jusqu’au retour à l’emploi.

Néanmoins, il est alors possible d’utiliser les heures acquises au titre du DIF non utilisées au 31 décembre 2014  et d’y ajouter les heures CPF.

Le compte est fermé lorsque le bénéficiaire du CPF est admis à faire valoir l’ensemble de ses droits à la retraite (L 6323-1 du Code du travail).

 

Le CPF influence d’autres secteurs depuis son instauration

Du nouveau depuis l’instauration du CPF puisqu’auparavant réservé au secteur privé, il tend désormais à s’étendre aux agents publics ou encore aux travailleurs indépendants.

  • Les agents publics (fonctionnaires, contractuels, agents des chambres consulaires…)

Depuis le 1er janvier 2017, agent public, titulaire ou agent contractuel bénéficient d’un compte personnel d’activité qui comprend un compte personnel de formation (CPF) et un compte d’engagement citoyen (CEC). Il est possible d’utiliser les droits acquis au titre du droit individuel à la formation, non consommés au 31 décembre 2016.

  • Les travailleurs indépendants

A partir de 2018, un CPF sera ouvert aux travailleurs non-salariés (indépendants, artisans, commerçants, micro-entrepreneurs, auto-entrepreneur, agriculteur, artiste auteur…), aux professions libérales ou professions non salariées, et à leurs conjoints collaborateurs. Il est possible de s’engager dans un parcours de formation dans la rubrique  « Ressources humaines » du  site Service-Public-Pro.fr

Le CPF semble donc avoir trouvé sa place en offrant finalement d’amples perspectives que le DIF ; reste à soutenir les bénéficiaires dans leur démarche afin qu’ils deviennent acteur de leur employabilité et de leur évolution tout au long de leur vie professionnelle de sorte que la retraite puisse être l’aboutissement d’une carrière accomplie.

 


Article de Laëtitia BARDIN-ROUSSEL

Avocat au Barreau de Clermont-Ferrand et à la Cour d’Appel de Riom

Publication : 02/11/2017 – site internet : www.bardin-roussel.avocat.fr

Article consultable en version PDF : Publication LBR002 – Compte Personnel de Formation (CPF) rémanence du DIF